LE MONDE (extraits)
04.06.04
Christiane Galus
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Vénus, un éphémère grain de beauté sur la face du Soleil
La planète va passer devant notre étoile (pour quelques définitions
cliquer ici. ). Ce phénomène très rare met en vedette un astre très différent de la Terre. C'est un enfer au relief rajeuni. L'atmosphère y est torride et agitée. La température au sol, celle du zinc en fusion.
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Cet événement, rarissime, ne s'était pas produit depuis le 6 décembre 1882. De telles rencontres avaient eu lieu en 1761, 1769 et 1874, et les prochains passages sont prévus en 2012, 2117 et 2125. Les rendez-vous entre Vénus et le Soleil se produisent en effet à un intervalle de 121 ans et demi et 8 ans, puis 105 ans et demi et 8 ans, et ainsi de suite.
Cette étonnante périodicité s'explique par les lois de la mécanique céleste et les particularités de la planète. Distante du Soleil de 108 millions de km, et de 42 millions de km de la Terre, lorsqu'elle est au plus près de nous, Vénus est dotée d'un système de rotation unique dans le système solaire. Elle tourne autour du Soleil dans le sens des aiguilles d'une montre - comme la Terre - en 224,7 jours. Et, dans le même temps, elle effectue un tour sur elle-même dans le sens inverse des aiguilles d'une montre en 243 jours (environ 8 mois terrestres).
"Il lui faut donc plus de temps pour faire un tour sur elle-même que pour faire le tour du Soleil", souligne Jean-Eudes Arlot, de l'Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides (CNRS), (
) L'origine de ce mode de rotation hors norme est mal connue. Pour certains, la planète aurait été heurtée au cours de son histoire par une énorme comète qui aurait modifié son sens de rotation.
Mais il semble plus probant que la situation actuelle résulte d'une lente évolution de l'axe de rotation sous un effet de marée dans l'atmosphère dense. Cette caractéristique, ajoutée au fait que son plan orbital est incliné de 3 degrés par rapport à celui de la Terre, rend les rendez-vous avec Vénus difficiles.
Deuxième planète du système solaire, installée entre Mercure et la Terre, Vénus est aussi surprenante par bien des aspects. Son atmosphère, très opaque, a longtemps empêché toute observation. Sur de la Terre par sa taille, sa masse et son orbite, Vénus a suscité beaucoup d'intérêt au début de la conquête spatiale, car on pensait alors qu'elle pouvait abriter de la vie.
UN EFFET DE SERRE ÉNORME
Les Soviétiques furent les premiers à se lancer dans cette voie avec, le 12 février 1961, la sonde Venera-1, qui fut la première à survoler la planète. Puis une vingtaine d'autres - soviétiques et américaines - ont suivi avec des taux de réussite variés. Certaines se sont mises en orbite autour de la planète. D'autres s'y sont posées, comme Venera 8, 9, 10 et 13 (URSS) ou Pioneer-Venus 2 (USA), ce qui a permis à la fin des années 1970 de préciser la nature de l'atmosphère vénusienne.
Quant à la sonde américaine Magellan, en orbite autour de Vénus de 1990 à 1994, elle a permis de cartographier l'ensemble de la planète avec une résolution de 100 mètres, fournissant ainsi les cartes les plus précises à ce jour de l'étoile du Berger. Elle a montré que Vénus présentait une grande variété de formes géologiques - canyons, montagnes, cratères et formations volcaniques - et que sa surface était "relativement jeune". Vénus aurait en effet subi un "lifting" complet il y a 300 à 800 millions d'années.
Mais l'aspect sans doute le plus intrigant de Vénus tient à son atmosphère. Composée de 96 % de gaz carbonique et de 3,5 % d'azote moléculaire, elle est dense, épaisse et à l'origine d'un important effet de serre. Brumes et nuages s'étendent entre 30 et 90 km d'altitude. Dans la région comprise entre 45 et 70 km, ces derniers sont constitués de fines gouttelettes d'acide sulfurique. Résultat, la température au sol monte jusqu'à 460 °C, et la pression atmosphérique est cent fois plus importante que celle de la Terre.
DESTIN SCELLÉ PAR LA DISTANCE
Autre particularité : l'ensemble de l'atmosphère - vers 60-65 km d'altitude - effectue une rotation complète en quatre jours et demi (60 fois plus vite que Vénus elle-même). Le Soleil en serait reponsable grâce à l'effet de marée qu'il exerce sur elle. "Mais ce n'est pas la cause unique de ce phénomène. Certes, on le décrit mathématiquement, mais on ne le comprend pas bien", reconnaît Thomas Widemann (Observatoire de Paris-Meudon).
La sonde Venus Express que doit lancer l'Agence spatiale européenne en novembre 2005 (note d'ActuSciences:voir notre dossier sur les sondes réalisé lors de l'envoi de la sonde Mars Express: La ruée vers Mars...) tentera d'élucider certains de ces mystères. (
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De telles missions sont utiles pour les planétologues, qui voudraient comprendre pourquoi des planètes similaires à leur naissance - il y a 4,5 milliards d'années - comme la Terre, Mars et Vénus ont eu des destins si différents. Vénus a perdu son eau quand Mars la conservait en partie sous forme de glace. Seule la Terre est abondamment pourvue de mers et d'océans.
Un destin sans doute scellé par la distance au Soleil. "Vénus en était trop près. L'eau présente à l'état gazeux s'est photo-dissociée en deux éléments : H et OH. Ce qui n'est pas le cas de la Terre, suffisamment éloignée pour que des océans liquides persistent dans lesquels une partie du gaz carbonique de l'atmosphère s'est dissoute, diminuant ainsi, explique Thomas Widemann, la pression atmosphérique et l'effet de serre."
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