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ActuSciences


Extrait du journal
Le Soir
(WE 6-7/09/2003)



Justine à New York comme à Paris

[...] Justine Henin-Hardenne réalise le doublé. Trois mois après avoir battu sa compatriote belge Kim Clijsters à Roland Garros, elle a renouvelé l'exploit en gagnant samedi son premier titre à l'US Open. Tête de série numéro deux, la Wallonne a triomphé de la Flamande, tête de série numéro un, en deux sets, 7-5, 6-1, en une heure et 21 minutes.

Dans la nuit de vendredi à samedi, quelques journalistes avaient pu observer Justine Henin-Hardenne, allongée sur une table de massage, sous perfusion, le visage blême, le corps comme exsangue. Elle venait de passer un peu plus de trois heures exténuantes sur le central de Flushing Meadows à écarter en demi-finale l'Américaine Jennifer Capriati. La rencontre, de toute beauté, avait laissé la vaincue dans une dépression profonde et la joueuse victorieuse physiquement inapte à quitter les lieux avant 2h40 du matin, tout juste 18 heures avant la finale. Le fait que la championne belge ait pu revenir samedi soir sur les lieux de sa quinzaine miraculeuse pour conclure une deuxième victoire en Grand Chelem cette année après celle acquise à Roland Garros est dû, certes, en partie, à sa volonté et sa technique, mais tout autant à sa condition physique. Car le travail accompli cette année par Henin-Hardenne dans le domaine de la préparation physique, avec l'Américain Pat Etcheberry, travail intensif et pointu, a été déterminant. «Je suis beaucoup plus forte cette année», a-t-elle confirmé. «Je suis une autre joueuse. Participer à une finale en Grand Chelem en ayant eu seulement 20 heures pour récupérer, n'est pas chose facile. Car ce que j'avais fait hier soir était incroyable».

Carlos Rodriguez, entraîneur de la Belge depuis sept ans, a souligné la transformation de son élève. «J'avais très peur pour elle hier soir. Je n'étais pas du tout confiant qu'elle puisse revenir et jouer ainsi en finale. Mais le physique et l'aspect mental sont intimement liés. Quand le corps est fort, l'esprit va de l'avant. Ce n'est pas facile pour une fille qui fait 1,66m de rivaliser avec des championnes comme les Williams ou Lindsay Davenport. On est toujours contraint de courir davantage qu'elles». Pour lui, le tournant s'est produit en début de saison quand la Belge a terrassé l'Américaine Lindsay Davenport en 8e de finale à l'Open d'Australie, en concluant par 9-7 au troisième set. «Qu'elle puisse faire ça à Davenport, joueuse qu'elle n'avait jamais battue, sur le ciment, en souffrant terriblement de crampes, et en Grand Chelem, a été capital pour la suite».

La victoire de Henin-Hardenne à Roland Garros, curieusement semblable dans son déroulement à celle de Flushing Meadows, avec une demi-finale d'une grande intensité franchie -contre Serena Williams à Paris, contre Capriati à New York- et ensuite une finale de qualité bien moindre et largement contrôlée par le vainqueur a été la deuxième expérience clé. «Roland Garros était une grande émotion. Ici, ce fut une grande joie», a déclaré samedi la championne. «On ne sait jamais comment on va réagir après un premier succès en Grand Chelem», a expliqué Justine Henin. «On ne sait même pas si l'on conservera intacte toute sa motivation. Voilà ce qui me rend heureuse. De voir que j'ai vécu deux mois fantastiques depuis Paris».

Rodriguez voit bien son élève triompher sur les quatre fronts du Grand Chelem. «Roland Garros lui a permis de se concentrer, de voir plus clairement en elle, et de mieux comprendre ce qu'il faut pour achever de tels exploits. Elle est devenue, depuis lors, encore plus 'pro' qu'avant. Ce qui n'est pas facile», dit-il. «Il me revient en mémoire ce qu'elle m'avait dit quand elle était toute jeune, aux débuts de notre collaboration: 'Même quand je perds, je prend un énorme plaisir dans le tennis, le jeu lui-même'. Je savais alors qu'elle n'avait pas que le talent. Elle avait l'esprit».

Si Henin-Hardenne quittera New York l'horizon professionnel dégagé, Kim Clijsters partira l'esprit en berne. Elle conserve son classement de numéro un mondial («Le classement? Ça ne me concerne vraiment pas», dixit Henin-Hardenne) mais les questions se posent toujours sur sa capacité de s'exprimer pleinement lors des grandes rencontres. Ici elle paraissait intouchable, ne cédant pas un set, exécutant ses adversaires avec promptitude, les dominant physiquement et en force... Jusqu'à ce qu'elle rencontre plus forte qu'elle, plus prête à croire en la victoire finale.