Extraits de
Le Soir en ligne
4 novembre 2003
JACQUES PONCIN
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Marie Curie, la Bruxelloise
Universités et autorités bruxelloises et européenne honorent
Marie Curie. Une semaine pour rappeler qu'elle fut la première femme
saluée par le Nobel. Mais aussi qu'elle souhaitait que la science
s'internationalise. Elle qui tissa de nombreux liens dans notre capitale !
Il y a tout juste cent ans, le jury du prix Nobel de physique
avait la suprême audace de couronner pour la première fois une femme.
Marie Curie n'alla pas à Stockholm, laissant à Henri Becquerel qui
partageait cet honneur avec elle et avec son mari Pierre Curie, le soin
de prononcer le discours. Cette Polonaise venue en France pour réaliser
son rêve de devenir physicienne n'aimait pas trop voyager.
Elle fit exception pour la Belgique, et Bruxelles en particulier.
On comprend mieux pourquoi c'est cette ville qui lui consacre une
semaine d'hommage.
La "brave petite Belgique". C'est ainsi que pendant la guerre de 14,
elle qualifia notre pays. Et pour joindre le geste à la parole, elle vint
en personne avec sa fille Irène initier nos médecins militaires à l'art
naissant de la radiographie. Mais à côté des liens qu'elle a tissés alors
avec nous et qui, géographiquement, se situaient bien davantage du côté
des tranchées de l'Yser, la plus célèbre physicienne de tous les temps
noua de très nombreux contacts avec notre capitale. On peut les relier à
trois fils rouges qui ont nom : Solvay, Piccard et Union minière.
Pour être tout à fait exact, il faut préciser que la première visite
de Marie Curie à Bruxelles n'est liée à aucun des trois. Elle participa en
effet en 1910 à un Congrès international de radiologie dont l'objet était
de fixer un étalon universel de radioactivité, un phénomène auquel elle
avait donné le nom qu'on lui connaît depuis. Et pour donner l'impact que
cette « silhouette très émouvante » (la formule est d'un autre grand
physicien, Ernest Rutherford) avait sur ce domaine, le Congrès de
Bruxelles choisit de donner à cet étalon le nom de
curie. Marie s'en dit
très flattée, mais préféra renoncer au banquet de clôture, restant
modestement dans sa chambre de l'hôtel du Grand Miroir.
C'est dans un autre hôtel de la capitale qu'on la retrouva ensuite,
sur une photo immensément célèbre, celle du premier Conseil de physique
Solvay, photo qui, excusez du peu, montre dans un salon du Métropole une
extraordinaire brochette d'"amoureux de la physique" (le mot est de
Marie Curie), dont onze Prix Nobel et futurs Prix Nobel !
L'initiative en revient à Ernest Solvay, un homme qui a aussi
bien
réussi dans l'industrie (la soude) que Marie Curie dans la science,
mais qui a toujours cultivé une frustration, celle d'avoir été bloqué
dans ses études par une santé fragile et qui a décidé de se livrer à ce
type de mécénat pour frôler le savant, devenir un peu savant moi-même
si possible.
La première réunion de ce club très fermé fut, scientifiquement
parlant, un immense succès, qui contribua à lancer véritablement la
mécanique quantique, sans laquelle la physique ne serait pas devenue ce
qu'elle est. Pourtant, Marie Curie aura dû repartir de Bruxelles avec un
goût amer dans la bouche. La presse de l'époque, une certaine presse,
faut-il le dire, choisit le moment pour alimenter un scandale : on accusait
la veuve de Pierre Curie d'une « liaison coupable » avec le physicien
Paul Langevin. L'affaire fit grand bruit, l'extrême droite y mêlant
la morale pudibonde, l'antiféminisme et la xénophobie.
Il n'empêche, avec l'amertume qu'on devine, elle fit le gros dos et
la communauté scientifique lui apporta son soutien. Elle fut évidemment
invitée à faire partie de la structure permanente de l'Institut de
physique Solvay et assista à ses réunions chaque fois que sa santé le lui
permettait. Elle ne rata aucun des Conseils de physique, en 13, en 21, en
24, en 27, en 30 et en 33, où elle vint, quelques mois avant sa mort,
avec deux autres scientifiques invités, sa fille Irène et son beau-fils
Frédéric Joliot.
Il est sans doute assez difficile de se rendre compte de l'importance
réelle de ces Conseils. C'est Didier Devriese, archiviste à l'ULB
qui le souligne : Il n'était pas de coutume à l'époque que les
scientifiques voyagent comme ils le font maintenant. Et le fait que
les meilleurs parmi les meilleurs aient ainsi été conviés par Solvay
a réellement donné un essor fantastique à une discipline qui,
au XIXe siècleavait un peu été éclipsée par la chimie .
Incontestablement, le XXe siècle était devenu, à Bruxelles,
le "siècle de la physique".
(
) sa principale découverte, le radium, faisait
beaucoup parler d'elle, suscitait énormément d'intérêt dans la communauté
scientifique, mais aussi soulevait des passions qui s'avérèrent
déraisonnées, voire déraisonnables. "On" croyait y avoir trouvé la panacée
(
).
(
)
Celle-ci fournit à la Belgique un instrument précieux,
c'est-à-dire un
étalon qui allait permettre de doser parfaitement
la production de ce métal
extrêmement précieux et
coûteux qu'était le radium.
Ce cadeau s'avéra
empoisonné. Où allait-on en effet le mettre? (
).
(
)Pendant 25 ans environ, l'Union minière et Marie Curie collaborèrent,
l'une offrant à l'autre son assistance scientifique, l'autre assurant
l'approvisionnement de l'une. Ce partenariat eut un temps
(
).
En 1939, notre journal avait proposé d'officialiser
les liens entre Marie Curie et Bruxelles en plaçant son
portrait au-dessus de la flamme du soldat inconnu ! (
).
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