Grippe aviaire: qu'en dit la presse? (janvier 2006)
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Carte géographique: extension de l'épidémie et flux migratoire
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| | Flux d'épidémie du virus H5N1 et flux migratoires des oiseaux (Source: OIE, FAO, OMS, Wetlands International)
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H5N1 : l'Europe au secours des éleveurs de volaille (Jean-Yves Nau)
L'épizootie de grippe aviaire poursuit inexorablement sa progression. Après le Nigeria, l'Egypte et l'Inde sont désormais touchées et procèdent à des abattages massifs de volailles domestiques. En France, la positivité au virus H5N1 du canard sauvage trouvé mort sur la commune de Joyeux, dans l'Ain, a été confirmée, ce qui porte à six le nombre de pays de l'Union européenne - Allemagne, Autriche, France, Grèce, Italie, Slovénie - où la maladie a été détectée.
De nouveaux foyers épizootiques apparaissent à un rythme soutenu. (
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Le sujet était à l'ordre du jour des ministres de l'agriculture des Vingt-Cinq, réunis lundi à Bruxelles. En l'absence de risques immédiats pour l'homme, la principale préoccupation demeure l'impact économique de l'épizootie. Dans les pays touchés, la consommation de volailles chute considérablement. Des mesures d'aides aux aviculteurs devraient être mises en place, mais le soutien financier de l'Union n'est pas acquis tant que les élevages ne sont pas directement touchés par le virus. Sur ce point comme sur celui des mesures préventives à mettre en oeuvre, les pays membres avancent en rangs dispersés.
En France, en prévision de la possible apparition de cas humains, les autorités sanitaires ont lancé en urgence, fin janvier, un appel d'offres pour sélectionner une agence publicitaire afin de "concevoir un dispositif de communication relatif à la lutte contre une pandémie grippale".
TROIS NOUVEAUX PAYS TOUCHÉS
Trois nouveaux pays, la France, l'Egypte et l'Inde, sont désormais touchés par l'épizootie de grippe aviaire due au virus A (H5N1). Cela porte à vingt-quatre, dont six dans l'Union européenne, le nombre des pays où la maladie a été observée. Une maladie qui, dans le monde, a affecté 169 personnes et provoqué la mort de 91 d'entre elles. L'aggravation rapide de la situation épidémiologique inquiète de plus en plus les responsables de la santé animale, qui ne disposent d'aucun outil pour prévoir comment la situation va évoluer à terme.
La situation apparaît particulièrement problématique en Inde, où l'épizootie a d'ores et déjà touché des élevages de volailles. Dimanche 19 février, les autorités sanitaires ont annoncé l'abattage d'environ un demi-million d'oiseaux dans le district de Nandurbar, à 400 kilomètres au nord de Bombay, où serait apparu le premier foyer de l'épizootie.
Le même jour, des morts suspectes et massives d'oiseaux ont été signalées dans le nord du pays ainsi qu'à l'ouest, dans l'Etat du Maharashtra, où les opérations d'abattage peinent à être mises en oeuvre du fait de l'inexpérience des personnels chargés de cette mesure. Lundi 20 février, 20 000 animaux seulement avaient été abattus sur les 500 000 qui doivent l'être.
En Egypte, où la présence de ce virus hautement pathogène a été signalée pour la première fois le 16 février, des élevages ont été touchés dans neuf des vingt-six provinces du pays. Environ 10 000 poulets ont été abattus dans la province de Qaloubiya, au nord du Caire, et les autorités égyptiennes cherchent à obtenir la fin des pratiques d'élevage domestique.(
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En Allemagne, soixante et un cas avérés d'oiseaux contaminés ont été recensés, dont 18 dans la seule journée du 19 février, sur l'île de Rögen, en mer Baltique, où une équipe de décontamination de l'armée a été dépêchée et où la chancelière allemande, Angela Merkel, devrait prochainement se rendre. Les autorités sanitaires locales ont déjà commencé, à titre préventif, l'abattage des volailles d'un élevage avicole.
Les autorités italiennes ont pour leur part signalé treize cas à l'Organisation mondiale de la santé animale. Des cygnes, un canard sauvage, une buse et un coq de bruyère ont été trouvés infectés par le virus en Sicile, en Calabre, en Ombrie et aussi dans les Pouilles. Au Royaume-Uni, pays jusqu'à présent indemne et qui n'a pas pris de mesure de confinement de ses élevages de volailles, Ben Bradshaw, secrétaire d'Etat chargé de la santé animale, qualifie de "probable" l'émergence de l'épizootie. Le gouvernement espagnol estime également que des cas d'infections pourraient être prochainement identifiés sur son territoire.
CAMPAGNE DE VACCINATION
En France, des examens sont en cours sur des oiseaux sauvages considérés comme suspects, et de nouveaux cas ne sont pas à exclure. S'exprimant sur RTL Didier Houssin, délégué interministériel à la grippe aviaire, a précisé dans la matinée du lundi 20 février que les premiers résultats seraient connus au plus tard le 21 février. "Il n'est pas exclu que plusieurs de ces oiseaux soient porteurs du virus, a expliqué M. Houssin. L'important désormais va être d'analyser la densité d'oiseaux malades qui peuvent aujourd'hui parvenir en France et en Europe. Est-ce que ce seront des cas isolés, ou est-ce que c'est un contingent important d'oiseaux migrateurs qui risque d'être contaminé ? Les semaines à venir vont nous le dire." M. Houssin a ajouté que la progression de l'épizootie ne conduisait pas, pour l'heure, à modifier les mesures du plan national de protection de la population.
Une campagne de vaccination vétérinaire devrait commencer mercredi 22 février dans les élevages de canards et d'oies situés dans les zones humides des départements des Landes, de Loire-Atlantique et de Vendée. Cette campagne devrait durer environ un mois. Elle concernera les oiseaux de tous les élevages qui ne peuvent être confinés. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture a précisé que dix-huit vétérinaires participeraient à cette opération et qu'en toute hypothèse la France disposait aujourd'hui de plusieurs millions de doses vaccinales.
C'est dans ce contexte que la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) a, dimanche 19 février, mis en garde contre la destruction d'oiseaux migrateurs. "Après le canard trouvé mort dans l'Ain, et alors qu'une vingtaine d'analyses sont en cours dans l'Hexagone sur des oiseaux trouvés morts, la LPO, favorable à l'application de consignes sanitaires rigoureuses, met en garde contre des pratiques de destruction arbitraires d'oiseaux migrateurs, fait valoir cette association. Nous n'avons pas eu vent de menaces précises, mais nous avons peur que certains chasseurs soient tentés de faire des prélèvements eux-mêmes. Il y a une psychose qui gagne beaucoup de gens depuis quelques jours."
La LPO qui exhorte à "ne pas céder à la panique" a rappelé à cette occasion quelques consignes de bon sens "pour continuer de cohabiter avec les oiseaux sauvages". Il s'agit notamment d'effectuer le nourrissage des oiseaux à partir de mangeoires suspendues et de l'arrêter dès que la période de froid sera terminée.
Pour sa part, Xavier Bertrand, ministre français de la santé et des solidarités, estime qu'il faut désormais cesser, au nom du principe de précaution, d'alimenter les oiseaux dans les parcs et les jardins publics. M. Bertrand estime par ailleurs que les menaces américaines et japonaises de suspension d'importation de foie gras français "ne répondent pas à des critères de santé humaine".
Les Vingt-Cinq se divisent sur les aides à apporter aux éleveurs (Philippe Ricard)
La grippe aviaire devait s'imposer en tête de l'agenda des ministres de l'agriculture des Vingt-Cinq réunis, lundi 20 février, à Bruxelles. Le virus H5N1 a en effet été identifié sur des cadavres d'oiseaux migrateurs dans six pays de l'Union : la France, l'Italie, l'Allemagne, l'Autriche, la Grèce et la Slovénie. En prélude à la réunion, l'Italie et la Grèce ont demandé l'examen de mesures d'urgence destinées à aider les producteurs avicoles.
Dans ces deux pays, la consommation de volailles a brutalement chuté (- 70 % en Italie, entre - 40 % et - 50 % en Grèce) après la découverte d'oiseaux sauvages porteurs du virus. Les marges de manoeuvre de l'Union sont cependant réduites. Aucun plan d'envergure ne devrait d'ailleurs être annoncé lundi. "Tout le monde est sous le choc. Mais la mobilisation des Etats membres dépend, selon les pays, du niveau de la menace sur leur territoire, et de l'importance de leur production avicole", observe un diplomate européen.
Le débat devrait donc s'orienter sur la question des soutiens susceptibles d'être versés aux aviculteurs. Plusieurs pays ont annoncé des plans d'aides, à l'instar de la France, qui promet au moins 6 millions d'euros. En principe, ce type de soutien ne doit pas, au sein de l'Union, dépasser 3 000 euros par exploitation tous les trois ans. Au delà, chaque projet doit être soumis à la Commission car rien ne peut être versé sans son autorisation.
Le ministre italien de l'agriculture, Gianni Alemanno, a indiqué que son pays était prêt à passer outre aux règles communautaires si aucune mesure de soutien n'était décidée pour la filière. "Si cela est refusé, nous sommes prêts à risquer une procédure d'infraction de la part de l'UE pour violation des règles sur les aides d'Etat", a-t-il averti au conseil agricole de lundi.
"Les moyens budgétaires sont minimes du côté communautaire", prévient-on dans l'entourage de la commissaire en charge de l'agriculture, Mariann Fischer Boel, en rappelant que "la situation est d'autant plus complexe que l'épizootie n'a pas touché les élevages". Voici un mois, lors du dernier conseil agricole, plusieurs délégations, dont la France, l'Italie, l'Espagne, la Pologne et la Hongrie, avaient réclamé des mesures d'urgence. Mme Fischer Boel avait alors répondu que la Commission n'avait pas d'autres moyens pour soutenir la filière avicole que d'augmenter les aides aux exportations, ce qui a été fait pour les poulets entiers, les poussins d'un jour ou les oeufs à couver.
En cas d'épizootie dans les élevages, l'Union pourra en revanche cofinancer à hauteur de 50 % les frais d'indemnisation des éleveurs obligés d'abattre leurs volailles. Le commissaire Markos Kyprianou, en charge de la santé, se dit prêt à soutenir des campagnes d'information auprès des consommateurs. Par ailleurs, la Commission doit donner son feu vert au plan de vaccination conçu par les Etats membres. En cas d'urgence, elle en prendrait en charge une bonne partie.
A ce jour, seules deux capitales, Paris et La Haye, ont fait des demandes, à titre préventif. Celles-ci doivent être examinées, mardi 21 février, par le comité permanent d'hygiène alimentaire, où sont représentés les Etats membres.
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