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ACTUSCIENCES


Evolution
du caractère eusocial



Plusieurs modèles ont été proposés pour expliquer l’émergence et l’évolution de l’eusocialité. Ainsi, la théorie de la manipulation parentale stipule que via une alimentation différenciée des larves, les parents manipulent la taille, la fécondité et le sexe de leur progéniture les forçant ainsi à les aider dans l’élevage du couvain plutôt qu’à se reproduire.

Une autre théorie générale a été proposée il y a déjà 40 ans par le biologiste W.D. Hamilton pour expliquer l’évolution de la coopérativité et de l’ « altruisme ». L’idée générale est la suivante :

Un individu qui désire transmettre des copies de ses gènes à la génération suivante pourra bien évidemment le faire en produisant lui-même une descendance via sa propre reproduction (c’est ce que les Anglais appèlent la fitness individuelle). Mais au sein d’une population, cet individu possède des gènes en commun avec d’autres individus et cela est d’autant plus vrai que le lien de parenté entre ces individus est proche. En effet, deux frères ou deux sœurs partagent en moyenne la moitié de leurs gènes qui leur ont été transmis par leurs parents. Leur lien de parenté est de 1/2 entre frères, ce lien de parenté sera de 1/4 pour deux cousins ou entre grands-parents et petits-enfants.

On voit donc que pour ce qui est de transmettre des copies de ses gènes à la génération suivante, le bilan sera le même si l’individu en question produit un enfant ou coopère avec ses parents en les aidant à produire un frère ou une sœur. Cette manière « indirecte » de promouvoir ses gènes est connue sous le nom de sélection de parentèle ou kin selection en anglais. Cette théorie a permis de lever le paradoxe déjà souligné par Darwin concernant les hyménoptères, d’autant plus que ceux-ci ont une sexualité particulière. En effet, chez ces espèces la reproduction est dite haplodiploïde :

C’est-à-dire que l’on a un « mélange » de reproduction sexuée et asexuée. Les reines produisent des femelles (qui deviendront les ouvrières) à partir d’œufs fécondés par un mâle, tandis que des œufs non fécondés donnent des mâles. Ceci a pour effet que les mères partagent avec leurs filles la moitié de leurs gènes mais deux soeurs ont en commun les trois quarts de leurs gènes. En d’autres termes, les ouvrières d’une colonie ne travaillent pas pour la reine mais pour leurs sœurs. En aidant la reine à produire des sœurs elles maximisent la transmission de leurs gènes de génération en génération.

Signalons tout de même que se modèle explicatif est robuste dans le cas où la reine ne serait fécondée que par un seul mâle (colonie monogyne), car dans ce cas toutes les ouvrières sont de vraies sœurs. En effet il faut savoir que :


Beaucoup d’espèces sont polygynes, c'est-à-dire que la reine peut être fécondée par plusieurs mâles et donc produire au sein d’une même colonie plusieurs fratries différentes (jusqu’à une vingtaine de fratries chez l’abeille mellifère), ces fratries étant composées d’ouvrières qui ne sont alors que des demi-sœurs.


Dans d’autres cas, la colonie peut contenir plusieurs reines pondeuses et, de ce fait, les ouvrières ont entre elles un lien de parenté plus faible encore.


Les termites ou les rats taupes nus sont également des espèces « eusociales », pourtant elles ne sont pas haplodiploïdes.


Pour ces différents cas de figures, des explications alternatives sont avancées tenant notamment compte des facteurs écologiques. Mais ceci est le sort de toute théorie scientifique : au cours du temps, la théorie est améliorée pour gagner en valeur explicative, pour mieux englober la réalité du monde et pour répondre aux nouvelles observations et arguments qui la mettent en difficulté.