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ACTUSCIENCES


Comment expliquer
le niveau d’organisation
de ces colonies ?



Comment font les termites pour construire leur termitière, comment les fourmis coordonnent-elles leurs comportements pour approvisionner leur nid en nourriture, comment s’organisent les abeilles pour assurer la défense de la ruche ?

De prime abord, on pourrait penser que l’information nécessaire à la réalisation de ces différentes activités est centralisée. C'est-à-dire, qu’un individu (la reine par exemple) ou quelques individus dans la colonie diffuserait des informations sous forme de signaux chimiques ou physiques et que le reste des ouvrières répondrait à ces différents signaux pour coordonner leurs activités. Les recherches menées depuis plus de vingt ans sur ce sujet ont montré qu’il n’en était rien. La fourmilière, la termitière ou la ruche sont des systèmes décentralisés. En d’autres termes, l’information dont dispose les membres de la colonie n’est pas globale mais locale. Les individus ont des comportements simples et c’est par la multitude des interactions entre eux que va émerger, au niveau collectif, les structures complexes qui peuvent être observées. C’est ce qui fait dire à certains scientifiques, qu’une « fourmi seule c’est idiot mais que mille fourmis sont intelligentes ».

Pour mieux comprendre comment fonctionnent ces systèmes nous allons prendre un exemple : celui de la formation des cimetières chez certaines colonies de fourmis.

Quand on observe certains nids de fourmis, on peut voir à l’extérieure de ceux-ci des petits tas composés de cadavres de fourmis et de déchets de toute sortes. Ce comportement est tout à fait adaptatif pour la colonie puisque l’accumulation des déchets dans le nid peut entraîner l’apparition de moisissures. Mais comment font-elles pour construire ces « cimetières ». Si l’on dispose aléatoirement dans une boite de Petri des cadavres de fourmis, en quelques heures on observe la chose suivante (voir figure):




Le comportement individuel d’une fourmi est simple, quand elle rencontre un cadavre, elle le prend entre ses mandibules et entame une « promenade aléatoire » dès quelle rencontre un autre cadavre ou un tas de cadavres, la probabilité de déposer celui qu’elle a entre ses mandibules augmente. Mieux, des expériences ont montré que plus le tas de cadavres qu’elle rencontre était grand, plus grande va être la probabilité de dépôt. Par ce comportement très simple, les cadavres finissent par s’accumuler en tas et si on attend plus longtemps l’ensemble des cadavres ne formeront plus qu’un tas unique. Dans ce processus, il n’y a pas de structure centralisée qui donnerait des ordres aux fourmis leur dictant leur comportement, ce sont elles-mêmes qui par leurs comportements créent des inhomogénéités dans leur milieu, inhomogénéités qui ont pour effet de modifier la probabilité individuelle d’effectuer tel ou tel comportement (déposer ou ne pas déposer le cadavre). Le système se structure de lui-même sans l’intervention d’un « agent extérieur ». On dit que ces systèmes sont auto-organisés, les physiciens et les chimistes préfèrent parler de systèmes dissipatifs.

De nombreux autres comportements comme celui du recrutement alimentaire ou défensif, les comportements de construction du nid ou la recherche de nouveaux sites de nidification chez l’abeille, peuvent s’expliquer par ce type de modèles.