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ACTUSCIENCES


Extraits tirés du quotidien
Le Soir (en ligne)
(13.02.04
CHRISTOPHE SCHOUNE



Eviter un «printemps silencieux»…

Faut-il suspendre ou interdire l’usage d’insecticides très toxiques pour les abeilles ? Le Parlement wallon ouvre le débat. La France annonce des mesures.

Perte d’orientation, comportement anormal, mortalité importante. Depuis quatre ans, les abeilles tombent comme des mouches. La chimie serait à la source du mal. Faut-il craindre un « printemps silencieux », comme l’imaginait le célèbre ouvrage de Rachel Carson en 1968 ? Incriminés, deux insecticides utilisés pour les cultures de maïs ou de betteraves en Belgique (le Gaucho (Bayer) et le Régent (BASF)) sont pointés du doigt comme les fauteurs de troubles, engendrant des pertes économiques sèches au secteur apicole et posant des problèmes sanitaires inquiétants.

Initiées par la députée Marie-Rose Cavalier (Écolo), qui plaide pour la suspension de l’autorisation de ces produits au nom du principe de précaution, des auditions publiques de tous les acteurs concernés ont permis aux parlementaires wallons, ce jeudi, de se forger une première idée à l’issue d’un débat conduit dans la sérénité. Pour les apiculteurs, le bourdon des abeilles n’est ni imputable aux caprices de la météo, ni aux maladies classiques comme la varroase.

De nouveaux insecticides neurotoxiques (voir dossier) ont fait leur apparition dans les années nonante, résume Hubert Guerriat, président des apiculteurs du Hainaut. Ces insecticides, qui enrobent la graine, migrent dans la plante entière et se dégradent lentement dans le sol. Ils se retrouvent dans le pollen du maïs que les colonies récoltent parfois en abondance.

Résultats des courses : lorsqu’elles ne dépérissent pas en pleine saison, les colonies péricliteront souvent le printemps suivant en consommant les réserves de pollen. Ces produits agissent à des doses très faibles, ponctue Etienne Bruneau, du Centre apicole de recherche de Louvain-la-Neuve (Cari). On observe des effets neurologiques sur les abeilles dès qu’elles sont en contact avec du pollen contenant des concentrations du produit de l’ordre du dix-milliardième.

(…)

La sécurité du Gaucho, tant pour l’homme que pour l’environnement est garantie et confirmée par les procédures d’homologation et de réhomologation très rigoureuses dans plus de 100 pays à travers le monde, fait valoir Hervé Tossens, manager chez Bayer. (note d'ActuSciences : voir extraits parus dans Le Monde dans ce dossier) Gaucho ne présente aucun risque pour les abeilles dans les conditions d’utilisation homologuée. Cette absence de risque a été confirmée par de nombreuses recherches intensives, aussi bien réalisées par Bayer que par des chercheurs réputés et indépendants.

Bayer fait valoir en outre que l’usage du Gaucho dans les cultures de maïs ne concerne que 6.000 hectares en Belgique.

Faut-il suspendre l’autorisation de ces produits afin d’y voir plus clair ? Le professeur Eric Hautbrugge (Gembloux), estime que supprimer une substance ne résoudra sans doute pas le problème dans la mesure où « l’effet de synergie » entre plusieurs produits peut être prépondérant. L’interaction d’un insecticide et d’un fongicide peut multiplier l’effet toxique jusqu’à 244 fois !

(…)

Précisons enfin que le retrait d’agrément de ce type de produits dépend du ministère fédéral de la Santé. Le ministre Rudy Demotte (PS) a fait récemment savoir qu’il n’envisageait pas de prendre de décision en ce sens contrairement à son homologue français de l’agriculture, qui annonce une mesure imminente de restriction, voire d’interdiction concernant le Régent.

Le débat parlementaire rependra le 18 mars.