Extraits tirés du quotidien
Le Monde (en ligne)
(19.02.04 / 14h44 /
MIS A JOUR LE 19.02.04/16h11)
Benoît Hopquin
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La justice suspend la vente du Régent, accusé de tuer les abeilles
BASF Agro, qui fabrique cet insecticide, a été mise en examen et placée sous contrôle judiciaire, mardi 17 février, par un magistrat de Saint-Gaudens. Ce produit, très utilisé par les agriculteurs, est soupçonné de décimer les ruchers et, selon des études récentes, comporterait des risques pour l'homme.
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) Le magistrat a de surcroît ordonné la suspension de la commercialisation du Régent, un enrobage insecticide soupçonné d'avoir des effets mortels sur les abeilles.
La firme chimique allemande a annoncé elle-même sa mise en examen (
) en tant que personne morale, pour "mise en vente de produit toxique nuisible à la santé de l'homme et de l'animal", "complicité de destruction de cheptel", "mise sur le marché de produit sans autorisation". (
) BASF a aussitôt fait appel de ces mesures.
La sévère mise en examen de BASF Agro est une nouvelle étape du combat que mènent depuis dix ans les apiculteurs contre les fabricants de pesticides (voir dossier). Constatant des intoxications massives depuis 1994 dans les colonies, les producteurs de miel accusent notamment le Gaucho, fabriqué par Bayer (voir dossier), une autre société allemande, et le Régent, propriété de BASF, deux marques d'enrobages de semences commercialisées respectivement depuis 1991 et 1996.
Mises dans le sol lors des semis, les molécules actives, l'imidaclopride pour le Gaucho et le fipronil pour le Régent, libèrent leurs principes actifs au fur et à mesure de la croissance de la plante et la protègent des assauts des insectes. Ces substances extrêmement concentrées sont censées avoir disparu au moment de la floraison.
Plusieurs études, sur lesquelles s'appuient les apiculteurs, affirment cependant que les molécules se retrouvent encore dans la fleur, notamment de tournesol, que viennent butiner les abeilles. Ingérées par les insectes, elles provoquent des mortalités massives et des troubles graves qui désorganisent les ruchers. Les fabricants fournissent d'autres études qui attestent à l'inverse de l'innocuité de leurs produits, sur la base de travaux comparatifs entre des zones avec et sans Gaucho ou Régent.
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EXPERTISES CONTRADICTOIRES
La querelle scientifique a, de son côté, pris un tour plus polémique encore avec l'apparition, depuis quelques mois, d'études qui évoquent un risque pour l'homme. Les molécules des enrobages, assurent des chercheurs, se retrouvent dans les ensilages qu'avale le bétail. Elles s'accumulent dans la graisse et le lait, contaminant ainsi la chaîne alimentaire.
Un chercheur au CNRS, Gérard Arnold, a rendu, le 17 décembre 2003, une expertise qui fait état de la présence du fipronil dans l'air, tuant les abeilles et présentant un risque pour l'homme. (
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Le rapport remis en janvier au juge Guary par Jean-François Narbonne, professeur à l'université de Bordeaux et expert en sécurité alimentaire, estime que le produit a fait, jusqu'en 2003, l'objet d'un classement en deçà de sa toxicité réelle. Il estime que, "dès 1994, les calculs d'exposition alimentaire montraient la possibilité de dépassement de la dose journalière admise, en particulier chez l'enfant". Il ajoute que "le ministère de la santé aurait dû être alerté". Dominique Belpomme, cancérologue, entendu par le juge fin janvier, a aussi mis en garde contre les risques et critiqué l'insuffisance des études avant la mise sur le marché.
Autant d'hypothèses formellement rejetées par BASF. Le ministère de l'agriculture est également catégorique. "Il n'y a aucune dangerosité pour la santé humaine via l'exposition directe ou par la consommation de produits végétaux ou animaux", a assuré Thierry Klinger, à la tête de la direction générale de l'alimentation.
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) Des documents trouvés chez les propriétaires successifs du produit - Rhône-Poulenc, Aventis, Bayer, BASF - indiquaient que cette autorisation provisoire de vente n'était délivrée qu'"en l'attente de l'avis définitif nécessaire de la commission d'étude de la toxicité". Durant huit ans, le produit a donc été commercialisé alors que la procédure d'homologation était encore en cours.
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